La route des Jardins

Au XVIIIe siècle, les voyages à travers l’Europe parachevaient l’éducation des classes cultivées. La notion de tourisme est issue du Grand Tour passant par l’Italie, souvent la Grèce, qu’effectuaient alors érudits et artistes. C’est en route pour Rome, pour Athènes, que l’on découvrit les rivieras française et italienne où, beaucoup moins loin qu’à Naples ou dans le Péloponèse, s’exerçait dans de somptueux paysages, un climat d’une étonnante douceur en hiver.

A ces conditions géographiques exceptionnelles, s’ajoutait le fait que quelques villes qui jalonnaient le littoral offraient aux voyageurs de quoi se loger et se distraire. En 1763, le médecin - homme de lettres Tobias Smollett (1721-1771) trouva à Nice, une petite société d’hivernants anglais, suisses, allemands et français. Il apprécia les fêtes du carnaval et admira les “jardins pleins d’arbres verdoyants chargés d’oranges, de cédrats, de citrons, de bergamotes” qui s’étendaient auprès de la ville.

Il visita les environs et, se rendant par la mer à Gênes, décrivit le paysage côtier : “De l’autre côté du cap, [le cap Noli, entre Imperia et Savone] il y a une lande superbe cultivée comme un jardin ; les plantations s’étendent jusqu’au sommet des collines, parsemées de villages, châteaux, églises et villas. D’ailleurs, toute la Riviera présente le même aspect, sauf dans les rares espaces qui ne comportent ni constructions, ni cultures”. On trouve donc ici l’utilisation du terme riviera pour désigner le littoral ligure, caractérisé par le contact de la montagne et de la mer, ce qui dans un site tiède et abrité, lorsque le sol est fertile, favorise l’agriculture.

Tous les éléments du tourisme traditionnel étaient donc présents et les Lettres de Nice, de Smollett, ne laissèrent pas ses compatriotes indifférents. Vingt ans plus tard, des villas construites par des Anglais s’élevaient en retrait du sentier longeant la plage de Nice ; sentier qui deviendra le chemin des anglais en 1822, puis la Promenade du même nom. A mi-course du XIXe siècle, Hyères, Cannes, Nice, Menton, Bordighera, Sanremo et plus tard Imperia durent se doter de nouveaux hôtels afin de faire face aux étrangers venus pour leur santé et dont la présence saisonnière d’octobre à avril, transformait les villes du littoral en stations climatiques pour la moitié de l’année.

Liées au phénomène de l’acclimatation botanique, les plantations dans les jardins privés et les espaces publics transformèrent progressivement le paysage du littoral.
Dès 1804, l’impératrice Joséphine avait fait parvenir des plantes de l’hémisphère austral au jardin botanique de Nice (eucalyptus, melaleuca, leptospernum). A la même époque, le botaniste niçois Antoine Risso expérimentait la culture de plantes de zones chaudes. Cette effervescence horticole correspondait à la période d’importation par voie maritime de plantes des régions subtropicales.

Parfois l’acclimatation s’emballait et certaines plantes trouvant sur la Riviera un terrain favorable, l’envahirent, comme les mimosas dans le massif de l’Estérel. Cette impulsion déclencha une formidable émulation sur le plan de l’acclimatation.

En Ligurie occidentale les jardins Hanbury à Mortola ou le jardin Ormond à Sanremo, sont le témoignage exceptionnel d’une continuelle recherche dans le domaine botanique et floristique.

Sur la Riviera, la Belle époque débuta avec la mise en fonction des transports par chemin de fer (les trains arrivèrent à Cannes en 1861, à Menton en 1869 et du côté italien en 1872) qui amplifièrent considérablement le transit des hivernants. On peut considérer que cette période se déroula jusqu’aux années 1920, lorsque naquit un nouveau tourisme automobile. De même, des lieux comme Sanremo, Ospedaletti, Bordighera, peuvent rappeler le climat des colonies d’Outre mer, aux visiteurs étrangers. Après des séjours tropicaux prolongés, les anglais principalement avaient des difficultés à se réhabituer au climat rude des hivers britanniques, et choisissaient donc la chaleur et le soleil de la Riviera.

Sur le plan architectural, la Belle époque se caractérise par l’apogée de l’éclectisme qui empruntait ses éléments de décor au passé pour obtenir un style plein de dynamisme. Etablissements hôteliers et immeubles de location devinrent alors des palaces et des palais, accessibles pour quelques temps aux classes moyennes qui venaient y côtoyer les nantis.

Sur la soixantaine de sites regroupés autour de la Route des Jardins de la Riviera, on découvre que la plupart ont été créés par des étrangers botanistes, hommes de lettre, artistes ou hommes d’affaires. Nombreux sont ceux qui bénéficient d’une protection au titre des monuments historiques. Aujourd’hui ce patrimoine, de mieux en mieux sauvegardé et rendu accessible au public, est dans sa quasi totalité géré par des organismes publics.

Laissez-vous guider et partez à la découverte des plus beaux jardins et sites remarquables de la Belle Epoque sur la Riviera franco-italienne...

ERNEST BOURSIER-MOUGENOT

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