1944-45 : la libération de Menton

1944. La vie est devenue pratiquement impossible à Menton.
Aux contraintes imposées par la création de la "Zone réservée alpestre" s’ajoutent l’absence d’électricité, de gaz, le couvre-feu, les interdictions de toutes sortes et les perquisitions. Tous les alentours de la ville sont minés, devenus une poudrière où l’on n’ose s’aventurer, pas plus qu’au-dehors. L’opération de déminage coûtera d’ailleurs la vie à de nombreuses personnes.

Au mois de juin 1944, les Allemands font sauter le port, détruisant les quais et une partie du môle. Le 15 août 1944, les troupes alliées débarquent au Dramont, dans le Var, et commencent à libérer la Provence occupée par les Italiens depuis 1942. Les troupes en retraite refluent et traversent Menton. Le ravitaillement commence à manquer malgré la création d’une commission chargée de trouver des denrées
alimentaires dans les campagnes. Le même jour à l’Ariane, près de Nice, les premiers Mentonnais victimes de représailles sont fusillés : Esther Poggio, Paul Guillevin et le commissaire Victor Harang, chef du Comité de Libération dans la clandestinité.

Le 25 août, Menton est coupée du monde extérieur, plus d’électricité ni de radio. Le 28 août, le commandant Pomader quitte la ville. Le lendemain, des troupes nouvelles viennent occuper la ville. Ce sont des SS et des marins munis d’un armement lourd, placés sous le commandement du général Hahn. S’y ajoutent le bataillon de "chemises noires" de la milice italienne et le bataillon "Nizza" fuyant Nice devant l’avance des Alliés. Ces troupes sont sous les ordres du commandant Magli et du lieutenant Trotta. Dans l’après-midi du même jour, le colonel Hahn et ses acolytes prennent des otages dans la population et les fusillent dans l’impasse Mayen : Antoinette Rambert et son époux Jean, François Taglioni, Robert Marzé et Pierre Bonardi. Le maréchal des logis chef André Deparday est abattu, à la gendarmerie même, par des fascistes.

La police de Menton est mise en état d’arrestation. Il s’en faut de peu qu’elle ne soit, avec la gendarmerie, déportée en Allemagne par ces mêmes fascistes.

Dans un grand silence, le 31 août, la population rend hommage à ses morts. Les autorités locales réussissent à obtenir du commandement allemand le départ des miliciens fascistes qui mitraillent les rues sans arrêt.
De la mer, les bateaux français et britanniques bombardent le Mont-Agel où les arrière-gardes se sont retranchées. Dans la nuit du 5 au 6 septembre, une bordée atteint de plein fouet le carrefour Trenca-rue de la République faisant de gros dégâts mais aucune victime. Partis en éclaireurs, deux jeunes FFI tombent à la "tranchée" de Roquebrune : Charles Cravi et Honoré Vial. Ce ne sont pas les seules victimes. André Moraido est déporté en Italie. Il tombe pour la France le 30 septembre 1944, à peine âgé de 18 ans.

Le 6 septembre, les Allemands quittent Menton. Le 7, le fort du Mont-Agel est enlevé par les troupes françaises et la ville est libérée le 8 par les parachutistes canadiens et américains de l’US-Canada sous les ordres du lieutenant Paul Laporte. La ville était restée 28 jours privée de pain. Le jour même, le lieutenant Laporte allant en inspection aux alentours tombe sur des mines. Il décède le 9 septembre. Les deux Mentonnais qui l’accompagnaient sont grièvement blessés. Le Comité de Libération, présidé par le docteur Adrien Camaret, s’installe à l’Hôtel de Ville.

La ville martyre, septembre 1944-avril 1945

Les Allemands se sont retirés sur les hauteurs de la chaîne frontière et ils continuent à bombarder la ville. Dans la nuit du 16 au 17 septembre. Menton reçoit plus de 200 obus de gros calibre.

Dès le 4 octobre, la population civile restant dans la ville est à nouveau évacuée vers Cannes, Antibes, Vence et Grasse. C’est la quatrième évacuation des Mentonnais en cinq ans et la seconde de grande importance. La zone est du Mentonnais est pratiquement vide et elle est soumise à des duels d’artillerie permanents.

Le 5 octobre, les Castillonnais sont évacués sur Menton malgré les bombardements ennemis. Quelques habitants refusent de quitter leur village et se réfugient dans des grottes où ils sont quotidiennement mitraillés.
Le 25 octobre, Castillon n’est plus qu’un amas de ruines.
Le 11 novembre, l’aviation alliée procède à un important bombardement de la vallée de la Roya tandis que la flotte bombarde les sommets situés au-dessus de Menton. Au cours du mois de décembre, la situation s’aggrave dans tout le Mentonnais.

La Résistance subit de nombreuses pertes et les villages sont durement touchés (Sospel, Moulinet, Breil, Fontan, Saorge).

Bien que les trains aient recommencé à circuler entre Nice et l’Escarène au mois de janvier 1945, il est impossible d’aller au-delà. Devant la menace permanente des Allemands qui n’hésitent pas à faire des incursions meurtrières jusque dans les zones libérées. Toute la région de La Bollène, Touët-de-l’Escarène, Castillon, Castellar, Sainte-Agnès, Gorbio, Menton, Lantosque, Moulinet, Lucéram et Sospel est déclarée "zone réservée". Il est impossible d’y pénétrer ou d’en sortir sans un laissez-passer.

Le 18 février 1945, les quelque mille personnes restées à Menton sont encore une fois évacuées. Roquebrune et Castellar subissent le même sort.
Le 1er mars, est créé le Commandement du front des Alpes avec à sa tête le général Doyen, nommé par le général de Gaulle. A son arrivée dans les Alpes-
Maritimes, la 1ère DFL est renforcée.
Le 9 avril, au cours d’une manœuvre de diversion, la marine bombarde Vintimille et sa région, tandis que le 10, la 1ère DFL passe à l’attaque.
Le 12 avril 1945 , l’Authion est enlevé au prix de nombreux morts (les Allemands ont même attaqué au lance-flammes).

Mais ce n’est que le 18 juin que la région Sospel-Roya est libérée.

Source : Louis Caperan-Moreno " Histoire de Menton", SAHM, 1981

Les Unités qui ont libéré Menton

C’est au début du mois de mars 1945, que la DFL est envoyée dans les Alpes-Maritimes. Elle y est incorporée à l’Armée des Alpes qui vient d’être reconstituée sous les ordres du général Doyen. Il s’agit pour elle, et pour son chef, le général Garbay, de libérer les derniers lambeaux du territoire national encore occupés, et de mettre ainsi la main sur les cantons de Tende et de La Brigue, arbitrairement détachés de la Savoie et laissés à l’Italie en 1860.
Son front s’étend jusqu’à Menton où le Bataillon de marche n° 5 du Cameroun, dirigé par le capitaine Hautefeuille, appuyé par la 2ème Batterie du 1er Régiment d’artillerie du lieutenant Bineau, relève le 100ème bataillon US.

La clé de la position est le massif de l’Authion qui commande le passage vers le col de Tende, et dont les sommets atteignent 2 000 à 2 500 mètres. Là, 600 hommes de la 5ème division alpine de la Wehrmacht se sont retranchés avec huit batteries.

L’assaut contre cette véritable forteresse a été lancé le 10 avril à 9h du matin. Un épais brouillard enveloppait l’Authion.

Le 12 avril, les forts de l’Authion sont pris. Victoire coûteuse : 174 tués, 605 blessés, 17 disparus dans le camp des vainqueurs.

La 1ère DFL doit maintenant exploiter son succès.

Le 15 avril, après la prise de l’Arbouin par la Légion étrangère, puis celle des ouvrages du col d’Agon, de la Croix-du-Camp, de la cime du Bosc et de la Croix-de-la-Cougoule, Breil-sur-Roya, piégé jusque dans les escaliers et les placards de ses maisons, est libéré. Le 18 avril, Saorge tombe.

Le 20 avril, l’ennemi est refoulé partout jusqu’à la frontière, mais il tient toujours le col de Tende. Passant outre à l’ordre de l’état-major de la VIe armée américaine dont il dépendait, ordre qui lui enjoignait de ne pas pénétrer en Italie, le général Doyen lance la 1ere " DFL vers Borgo San Dalmazzo. Le col de Tende ne sera libéré que le 5 mai, trois jours après la capitulation du maréchal Kessiring.

En face de Menton, le BM5 et le 22ème BMNA étaient entrés dès le 26 avril à Vintimille avant d’être relevés et dépassés par le 18ème Régiment de tirailleurs Sénégalais

Pour l’Armée des Alpes, et notamment la 1ère DFL, c’était sa dernière victoire, une des plus coûteuses aussi : en un mois et demi, elle avait laissé sur le terrain quelque 230 tués, plus que n’en avait perdu toute la 1ere Armée Française en Allemagne ;

L’Armée des Alpes avait, militairement, assuré la préparation de la rectification de frontière, qui deux ans plus tard, avec le consentement des populations fera entrer Tende et La Brigue dans le giron de la France.

The First Special Service Force

Depuis sa constitution dans le Montana aux Etats-Unis, le 9 juillet 1942, jusqu’à sa dissolution le 5 décembre 1944, à Villeneuve-Loubet, l’unité de combat surnommée ; : "First Special Service Force" Constituait une formation unique en son genre, distincte de tous les autres éléments de l’Armée américaine.
La F.S.S.P. était la seule unité qui fût spécialement organisée et entraînée pour entreprendre des opérations spéciales à objectif limité, telles que commandos aéroportés, patrouilles de ski, action en zone arctique

Placée sous le commandement américain, elle offrait là particularité de regrouper des unités de militaires de tous grades américains, ou canadiens.

Le 4 juin 1944, c’est à la F.S.S.F. que revient l’honneur de précéder l’entrée triomphale des Forces Alliées dans Rome.

Puis, quelques semaines plus tard, la F.S.S.F. constitue l’avant-garde du débarquement des Alliés dans le sud de la France et participe ensuite à la libération de la Côte d’Azur, depuis les îles d’Hyères jusqu’à Menton.

Les combats du pont Saint-Louis

Juin 1940. La Wehrmacht a atteint les rives de l’Isère. L’armée des Alpes, amputée de deux divisions pour renforcer le Front nord et constituer le Corps expéditionnaire de Norvège, couvre un front de plus de 350 km et fait face à une armée italienne forte de 80 000 hommes, depuis la Suisse jusqu’à la mer.

Menton, d’après le général Olry, commandant de l’Armée des Alpes et le général Montague, commandant du XVe corps, se
trouve déjà en première ligne.

Le 4 juin, la population mentonnaise est évacuée. Des avant-postes sont positionnés entre le fort du Cap-Martin et le pont Saint-Louis.

Le 10 juin, l’Italie déclare la guerre.
Parmi les 6 fortins d’avant-postes, le plus avancé est celui du pont Saint-Louis.

Extraits du journal du sous-lieutenant Charles Gros, commandant de l’ouvrage, d’avant poste du pont saint Louis

20 juin 1940
Vers 8 heures du matin, un colonel du Génie italien et quelques hommes sont aperçus dans la baraque des gendarmes près du pont. L’alerte est donnée : "Tout le monde dedans".

A 8 h 20, un coup de mortier retentit et 200 hommes en colonne débouchent, appuyés par le feu de deux mitrailleuses. Vite un coup de téléphone au Cap-Martin pour faire tirer le 75 du bloc de barrage. Le sergent Bourgoin utilise le FM et tire 15 chargeurs. Les Italiens refluent, abandonnant morts et blessés.

A 9 h, un petit drapeau blanc se montre : ils reviennent chercher les leurs. L’ouvrage laisse faire les brancardiers.
Cap-Martin tire par intermittence autour de l’ouvrage pendant la journée.

23 juin 1940
A 10h50, une attaque se précise par derrière, venant du boulevard de Garavan. Les Italiens arrivent par les WC. Par le périscope fait d’une glace placée au bout d’un bâton, le sous-lieutenant observe l’approche. L’ennemi lance des grenades puis monte à l’escalade par les WC, par le mur de soutènement et par la douane.
Il est à 3 mètres de l’ouvrage. Nos FM tirent sans arrêt et nos grenades jaillissent. En 20 minutes tout est réglé : le combat prend fin. Désormais, les Italiens sont circonspects.

25 Juin 1940
Jour de l’armistice. A 6h, les Italiens essaient de lever la barrière du pont. Une rafale les dispersera.
A 7h30, cinq cyclistes viennent par la route, côté France. Une nouvelle rafale les couche au sol.
A 8hl5, un officier et un homme, sans casque, apparaissent au bas Aquarone. L’officier s’avance vers le pont. On n’entend plus aucun bombardement. Il y a donc quelque chose d’insolite. A 8h45, un immense drapeau blanc apparaît. 7 à 8 officiers et 250 hommes armés s’avancent. Le sous-lieutenant Gros décide de sortir seul et interpelle le chef, un colonel de Génie. Celui-ci annonce la signature de l’armistice. Le sous-lieutenant Gros, perplexe, l’invite à se retirer et menace d’ouvrir le feu.

Les Italiens finissent par céder. A ce moment-là, deux officiers français de liaison arrivent. L’ouvrage du pont Saint-Louis est resté inviolé. Et deuxjours durant, sa garnison montera la garde, interdisant tout transit aux Italiens déjà installés dans Menton. Avant de se retirer, l’équipage emportera ses armes et fermera la porte de l’ouvrage au nez des adversaires en emportant la clé.

Dossier réalisé à l’occasion du 50 ème anniversaire de la libération de Menton - supplément du Pour Menton Magazine N°31 - sept 1994

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