Les Grimaldi

Une dynastie prend racine dans un sol que des mythes ont enrichi, que des générations ont fécondé. Il n’est pas indifférent qu’Hercule, vainqueur de Geryon, sur un rivage qui pourrait être Monaco, l’ait emporté sur les puissants liguriens, fils de Neptune. L’endroit fut consacré à Hercule : Herculis Portus. Hercule Ier, prince de la Renaissance, pourra se réclamer du parrainage mythologique d’Hercules Monoecus, surnom grec d’Hercule.

Plus tard, sur le rocher, les Phocéens découvrirent vers 600 avant notre ère un lieu de culte phénicien voué au soleil unique : "Adad". Quelle ascendance solaire pour la dynastie à venir ! Et Monaco devient vers 500 avant notre ère une petite cité, une "polis".

Les menaces des barbares et leurs destructions valent à Monaco de probables constructions de tours romaines. Romaines en outre, les persécutions des martyrs Dalmas, Pons et Bassus, et... Dévote, dont le corps fut transporté de Corse à Monaco en un voyage "hagiographique" !

Voilà un sol pour les dynastes, sous la triple marque ligure, phénicienne et grecque et sous pavillons romain et chrétien.

Que Goths, Lombards, Sarrazins ravagent les rivages, quatre siècles de barbarie en témoignent, mais Monaco connaît son grand éveil de brumes médiévales. La dignité impériale est restaurée aux Xe et XIe siècles, Monaco se situe dans le royaume de Provence, au sein du Saint-Empire. Et éveille la convoitise des Génois. La bulle d’or d’Henri IV confirme en 1162 les droits de Gênes sur le rocher, et Gênes bâtit alors, à l’origine du palais actuel, une place forte, le "château vieux". Monaco est fondation génoise. C’est alors que s’affirme le destin des Grimaldi.

UNE LIGNÉE DANS LES MÉANDRES DE L’HISTOIRE

En 1297, François Grimaldi, du parti guelfe, enlève à Gênes, par rase, la forteresse et Rainier, son frère, occupe le port, construit une flotte de galères et devient amiral du roi Philippe le Bel. Il est l’ancêtre de la Maison.

Charles Ier, son fils, diplomate habile, sert le roi de Provence, Robert d’Anjou, mais maintient féodalement la suzeraineté génoise. Seigneur "régalien" de Monaco en 1342, il institue le "droit de mer" avantageux péage. Politique, constructeur (l’Arsenal), il acquiert Menton aux Vento en 1346.
Rainier II, son fils, cède Monaco à Gênes en 1357, mais Jean Ier, son successeur, s’installe dans la forteresse, devient un condottiere recherché et guerroie à Constantinople. Catalan, son fils laisse en mourant en 1457 une fille, femme de tête, Pomelline, dont le gendre, Lambert Grimaldi, exerce le pouvoir trente-six années et assure l’indépendance de Monaco. Intelligent, diplomate, cultivé, il fut soutenu par toute la population monégasque contre Pomelline et le doge de Gênes, son allié.
En 1482, le roi de France, Charles VIII, place Monaco sous la sauvegarde de la France, Monaco est indépendante.
Son fils, Jean II, qui a édifié le château de Menton, demeure des Princes, joue la carte de l’alliance française. Assassiné par son frère Lucien en 1505, son tragique destin engendre la tragédie : Lucien est assassiné par son neveu Barthélémy Doria en 1523. Sous Augustin, son frère, évêque de Grasse, Charles Quint, en 1529, entre avec quatorze galères dans le port de Monaco. Il est accueilli par Augustin qui avait signé avec l’Empereur les conventions du traité de Burgos. Ce traité qui avait fait de Monaco un fief impérial fut négocié à Tortesilas en 1524 : il alliait en toute indépendance Monaco à l’Empire. Monaco passe alors sous protectorat espagnol (1525-1641).
On était au fort de la querelle entre François Ier et Charles Quint.

Les Grimaldi ont ainsi tenu tête à Louis XII et à Charles Quint. Les Grimaldi du XVIe siècle, Augustin, Honoré Ier, Charles II et Hercule Ier étaient des seigneurs d’une grande culture. Le palais, à la fin du XVIe siècle, possédait les ouvrages essentiels de la Renaissance et près de 2 000 volumes. C’est Charles Quint qui donne à Honoré Ier les titres de "Marquis de Campagne" et "Comte de Canossa" et les terres de Monteverdi, Terliz, Carignon, Ripacandida. Honoré Ier suit Charles Quint avec ses galères monégasques.

Il combat les Turcs et part à l’assaut de Tunis. Il participe à l’offensive navale contre le corsaire Ariadan Barberousse. On trouve ce prince à la défense de l’île de Malte assiégée par Soliman et à la bataille de Lépante, le 7 octobre 1571 En l’église de Menton, une lance turque prise à Lépante est devenue bâton de la croix.Charles II règne huit ans. Lui succède Hercule Ier, troisième fils d’Honoré, théologien, lettré, soldat valeureux, poignardé en 1604. Conspiration de ses sujets ? Attentat de la garnison espagnole ?

Son fils, Honoré II (1604-1662) subit la longue occupation oppressive espagnole qui dura cent seize ans de 1525 à 1641. Le prince subit injures et humiliations. Une secrète entente avec Louis XIII valut à Monaco le protectorat de la France avec le traité de Péronne de 1641. Honoré II fut l’habile auteur d’un coup de maître contre les Espagnols qui libéra Monaco de leur tutelle. Le prince fut comblé de bienfaits par Louis XIII : duc de Valentinois, il fut pair de France, marquis des Baux, comte de Carledez, baron de Buis et de Calvinet, seigneur de Saint-Rémy et chevalier des Ordres du Roi. Honoré II bâtit le Bastion et Saint-Michel de Menton. Il édifie, rue Longue, le palais princier avec les débris du château. Louis, son petit-fils, a 19 ans quand il se distingue dans la flotte franco-hollandaise contre les Anglais dans le Zuyder-see. Par ailleurs, il défraya la chronique galante.

Antoine Ier, son fils aîné, particulièrement populaire, s’entretenait familièrement avec ses sujets. Ce prince artiste, mélomane, musicien, fit bâtir une "maison de campagne", un "casin", le palais Carrioles. Le mariage du comte de Matignon avec Louise Hippolyte, fille aînée du Prince Antoine Ier, fit passer la Principauté de Monaco des Grimaldi aux Matignon.

Louise-Hippolyte régna en 1731. Son fils aîné, Honoré de Grimaldi-Matignon, né en 1720, Honoré III, fut à 19 ans colonel d’infanterie. Il prit part à la bataille de Fontenoy remportée par le Maréchal de Saxe. Honoré III planta un laurier à Carnolès pour perpétuer le souvenir de Fontenoy. Déchu, sous la révolution, il est arrêté, puis remis en liberté. Il meurt après soixante et un ans de règne en 1792.
C’est avec le traité de Paris, en 1814, que le fils aîné d’Honoré III retrouve ses Etats et prend le nom d’Honoré
IV. Atteint du "haut mal", il nomme son frère, Joseph, administrateur de la Principauté.

DE NAPOLÉON AUX GRATTE-CIEL

Joseph cède le pouvoir au prince héréditaire, fils d’Honoré IV. Le prince parti de Paris arrive à Cannes, est arrêté... et conduit au bivouac de Napoléon qui venait de quitter l’île d’Elbe ; chaleureuse rencontre sans lendemain.

La Principauté passe alors sous la protection du Piémont. La petite histoire nous apprend que le monopole du pain attribué par le Prince à un spéculateur sans vergogne, un certain Chapon, provoqua l’aigreur des Monégasques. Honoré IV meurt en 1819. Florestan, frère du prince héréditaire, qui régna sous le nom d’Honoré V, accorda une charte à ses sujets en 1848, mais ses imprudences engendrèrent des troubles. Sous son règne, Menton et Roquebrune sont occupées par le gouvernement de Savoie-Sardaigne,à la requête de ces deux "villes libres" révoltées. Sous Charles III qui succède à Florestan, Menton et Roquebrune sont rattachées à la France en 1862 après un plébiscite suggéré par Cavour à Napoléon III. Charles III fit poser la première pierre du Casino en 1858. Avec François Blanc, audacieux homme d’affaire, il fonde la Société des Bains de Mer. Le casino s’édifie, l’Hôtel de Paris est créé, les jardins apparaissent, le nom de Monte-Carlo se substitue aux familières "spélugues". Une période ou plutôt une époque faste conduira la Principauté à son zénith. Albert I", fils de Charles III régnera jusqu’en 1922. Il se distinguera par une forte personnalité et une valeur intellectuelle exemplaire. Grand marin, il est encore homme de science, océanographe, grand bâtisseur. _ Monaco lui doit le musée d’anthropologie. Albert Ier recompose à Monaco la place de la Visitation, restaure le palais, crée le jardin exotique, construit le port moderne, favorise le sport automobile. Monaco assiste en 1898 au premier défilé de voitures et en 1911 au premier rallye automobile. Le fils de Charles III assure superbement l’avenir dynastique.
Son fils, Louis II, conforte l’indépendance de l’Etat. L’ascension de la Principauté, sa remarquable faculté d’adaptation aux vicissitudes de l’histoire, ont un caractère aussi surprenant que spectaculaire. La volonté et le dynamisme d’une dynastie, à travers ses représentants les plus combatifs et les plus vigilants, ont conduit une seigneurie féodale de la forteresse médiévale dans les avenues bordées de gratte-ciel du deuxième millénaire finissant avec Rainier III, puis S.A.S Albert 2.

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